« Février 2014, Débékouroumba,
Ce matin, après une drôle de nuit contre terre au pied des camions et de constellations inconnues à mon bataillon, j’ouvre les yeux, le ciel rose en pleine gueule .. . il semble si proche que j’en ai, dès l’aube, la tête projetée dans ses nuages en coton délicat … Les pieds qui fourmillent comme un songe au réveil, quelques pas instinctifs, engourdis, il fallait voir le spectacle ! La terre qui s’envole en un bain de poussière, percée par des rayons rasants et des cornes de bœufs avançant la tête haute et l’allure majestueuse en direction du puits, rond comme un soleil et profond comme la nuit. Il doit être 6 heures du matin et à cette heure-là, au village de Débékouroumba, c’est tout un rituel autour du puits, d’abord le tour des bœufs, des ânes, puis des chèvres pour l’abreuvage. Les mains s’agitent autour des poulies, s’abîment et s’étirent, les foulards volent, les couleurs dansent sous un jeu de lumière fabuleux, l’eau jaillit des sceaux sur les pieds presque nus, comme un salut au jour autour de la source de la vie .. .
Et moi, je suis là, au milieu de tout ça, le cœur battant comme un vieux cardiaque amoureux, en équilibre d’un pied à l’autre, le souffle court m’agitant, me propulsant dans la chamade d’un présent en saccades … . Je ne sais combien d’heures, à capturer ces visages, ces troupeaux de bêtes, de pattes, de chevilles, ces poignes, ces charrettes, ces regards qui s’entremêlent en une danse vivante, généreuse, presque solennelle .. . Me suis-je bien réveillée ? Même mes rêves cette nuit n’avaient pas cet éclat … . . .. . »