Tendre avril 2013, Murcia
Avec G. Nous avons 20 ans
« Deux semaines d’évasion sur les routes murciennes, sur les courbes de nos corps, pourtant si indomptables . .. . avec presque rien, sous le crépitement de nos souffles impalpables, s’épuiser à rêver, à questionner les utopies.
Je ferme les yeux, je revois ces montagnes somptueuses, ces criques perdues, ces bouts de toi sous un voile rouge, cette poussière qui vole derrière notre passage turbulent mais silencieux sur les chemins de terre, ces détours curieux pour se perdre là où l’on s’aime. Je revois ton sourire somnolent qui me chatouille le ventre, tes yeux endormis qui se reposent de nos aventures et qui gardent précieusement dans le noir de la nuit l’intensité de la lumière capturée au sommet de la falaise . .. . … Tu te souviens ? là où avec ta bouche tu as extirpé mon âme hors de la faille, tu l’as blottie contre toi puis, d’une traite, tu m’as ramenée à la drôle de vie .. . celle qui vaut toutes les autres, qui vaut toutes les morts.
Réveille-moi, que je plonge à nouveau dans ton regard, dans le gouffre de ce souvenir fibreux, extra-terrestre, organique, sur la falaise .. . réveille ce vertige, chahute les rideaux comme mon cœur à l’envers, le souffle court . ..
Il est pesant ce vide que tu as laissé dans l’appart, sur les toits de la ville et entre les collines emprisonnant Murcia de leur étreinte. J’épluche les pavés que nous avons frôlés côtes contre côtes, je te cherche, mais à peine quelques heures écoulées sur ton ombre que, déjà peu à peu, ton odeur s’estompe, puisque la mienne, malgré moi, semble reprendre possession des lieux où tu étais. Puis à mon propre encombrement dans ce rejaillissement de solitude, à mon sombre bordel dans ce terrifiant bout de vide, se mêlent à nouveau les pas errants de mes colocataires dont les talons griffent les traces de ton passage dans le corridor et le temps saupoudrant de poussière ce qu’il reste de ces retrouvailles. Nos rires, nos ivresses étalés sur le carrelage.
Partons vite, au grès des vents et des routes, je nous y vois renaître sans semelles, je nous y vois vieillir de rides qui chatouillent sans blesser. »